Une Clameur

Krishna May

Château de Voltaire

Krishna May est membre de la Language Creation Society. Il développe depuis une dizaine d’années plusieurs langues de son invention. Dans cette perspective, et pour pouvoir chanter dans toutes les langues du monde, il s’est entraîné à prononcer l’essentiel des signes de l’Alphabet Phonétique International.

Dans le cadre de l’oeuvre The Call – Calculation, de Max Bondu et Simon Ripoll-Hurier, Krishna May, membre de la Language Creation Society, interprètera à haute voix les combinatoires générées automatiquement par ordinateur. Des sons difficilement prononçables pour les humains se feront entendre.
L’installation The Call – Calculation, tente de réaliser le projet d’Arthur C. Clarke.

Fin mai 2022, l’ingénieur informatique Julien Griffit active un calculateur en forme de blockchain qui commence à combiner, sans mémoire et pour un temps indéterminé, les 150 caractères principaux de l’Alphabet Phonétique International sur une séquence de lettres grandissante.

En 1953, Arthur C. Clarke publie la nouvelle Les Neuf Milliards de noms de Dieu, dans laquelle des moines tibétains tentent de trouver le « véritable nom de Dieu ». Ils travaillent avec des ingénieurs d'IBM sur toutes les possibilités d’agencement de leur alphabet en une séquence maximum de neuf lettres.

Marie Preston

Fort l'Ecluse

Marie Preston est artiste, maîtresse de conférences à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis (Laboratoire TEAMeD / AIAC). Son travail artistique se constitue comme une recherche visant à créer des œuvres, documents d’expérience, avec des personnes a priori non artistes. Ses recherches ont porté ces dernières années sur la pratique boulangère (Pain commun, Four commun et Levain), sur les écoles ouvertes et les pédagogies libertaires et institutionnelles (Maison Imprimerie, Quilt des écoles, Impressions libertaires, sur les métiers féminins du soin et de la petite enfance (Un Compodium). Elle participe également à une recherche-participative associant micro-biologistes, paysans boulangers, artisans et formateurs autour des levains naturels soutenue par le dispositif CO3 dont une occurrence a eu lieu à bermuda en 2022.

CO3 Levain est un projet de recherche participatif associant microbiologistes, artisans, boulangers, paysans boulangers, formateurs et artiste. Il vise à partager les savoirs autour des pratiques de panification au levain et s’intéresse aux flux microbiens autour des fournils, étudiant l’effet de l’environnement local sur la biodiversité des levains. L’artiste Marie Preston viendra présenter cette recherche et discutera de la croisée des disciplines au sein de sa pratique artistique.

Mathilde Chenin

Fort l'Ecluse

Au sein de sa pratique, Mathilde Chénin explore les formes créées par l’être ensemble au moyen d’écritures élargies et performatives. Elle élabore ainsi des architectures immatérielles et utopiques, des jeux, des systèmes, des généalogies, des partitions et autres “collective large objects”. En 2022, elle soutient une thèse, qui s’intéresse aux grammaires du commun par le proche tel qu’elles se composent au sein de lieux collectifs de vie et de travail artistique.(“Quand les artistes font forme en habitant ensemble. Usages, présences, imaginaires” — HEAD—Genève ; Laboratoire de Sociologie Urbaine, EPFL Lausanne). Ce travail donne lieu à la publication d’un ouvrage intitulé Le commun par l’usage. Construire et habiter en artiste (MētisPresses, 2024).

Poursuivant ici sa pratique in-situ de la performance et du récit narré, l’artiste et sociologue Mathilde Chénin fera se croiser pêle-mêle des habitants des rives, une traversée du désert, des dynamiseurs d’eau et des vortex, des embouteillages intempestifs, l’art de filtrer l’eau et de la boire, des toits en pente et des bassins de rétention autour desquels s’asseoir pour entendre l’eau tomber.

Atelier paysan

L’Atelier Paysan est une coopérative (SCIC SA) qui accompagne les agriculteurs et agricultrices dans la conception et la fabrication de machines et de bâtiments adaptés à une agroécologie paysanne. En remobilisant les producteurs et productrices sur les choix techniques autour de l’outil de travail des fermes, il s’agit de retrouver collectivement une souveraineté technique et une autonomie par la réappropriation des savoirs et des savoir-faire.

Un membre de l’Atelier Paysan parlera des enjeux de la coopérative depuis une voix paysanne. À cette occasion, il sera aussi question du projet de recherche-action POLMA, croisant paysans et sociologues qui s’intéressent collectivement à la place et au rôle du machinisme agricole dans la recherche en sciences sociales.

Célia Picard & Hannes Schreckensberger

Fort l'Ecluse et Château de Voltaire

Le duo franco/autrichien Célia Picard et Hannes Schreckensberger nés respectivement en 1978 et 1982, vit et travaille à Montpellier. Dans leur travail de volume et installation, ils réussissent le pari d’articuler des interrogations liées au champ de l’architecture, d’où ils sont tous les deux issus de par leur formation, à celles de l’art contemporain. Nourries par une subtile association de références au modernisme et à ses utopies, ainsi qu’aux formes vernaculaires de l’artisanat (d’ici et d’ailleurs) et à la technologie féconde du « tout numérique », leurs travaux invitent à réfléchir aux usages et aux rituels induits par nos contextes de vie et par les objets qui nous entourent. De là, le travail d’investigation s’ouvre aux mythologies collectives, autant dans l’espace domestique que dans le contexte urbain ou rural.

Avec la série Possible tools, le duo présente une collection d’outils agricoles aux formes énigmatiques. Déclinaisons de formes traditionnellement utilisées dans l’agriculture, ces outils se réfèrent à des descriptions d’anciens récits, jouent avec les mythes et spéculent de nouveaux usages agricoles. Si l’industrialisation de l’agriculture a réduit drastiquement la diversité des outils à quelques formes, il s’agit ici d’en imaginer de nouvelles pour de nouveaux gestes. En résidence dans le Tarn et Garonne, et poursuivant leur approche sur les savoir-faire artisanaux et traditionnels, Célia Picard & Hannes Schreckensberger amorcent cette série avec un taillandier (artisan qui forge des outils tranchants) installé dans le village rural de Nègrepelisse. Influencés par « Cultura Materiale Extraurbana »1, une étude faite entre 1974 et 1977 par un groupe d’étudiants de la faculté d’architecture de Florence sous la direction de plusieurs membres de Superstudio (Adolfo Natalini, Alessandro Poli, Cristiano Toraldo di Francia) et de Lorenzo Netti, faisant le relevé des habitats et des outils des paysans en Toscane, les artistes s’interrogent sur les utopies du retour à la terre.

Maud Soudain

Fort l'Ecluse et Château de Voltaire

Née en 1988, Maud Soudain vit et travaille entre Sergy (01) et La Sarraz (VD). Son travail parcourt les territoires contemporains cherchant à rendre compte à la fois de leurs qualités sensibles et des enjeux qui les traversent. Elle se nourrit des frontières poreuses qui régissent notre rapport à l’environnement entre naturel et artificiel, source et ressource, matériau et outil. Elle sonde ainsi les paysages par leurs objets: les éléments empruntés au réel sont le point de départ à la fiction et l’empreinte et le détournement tiennent une place privilégiée dans les processus mis en place. Diplômée des Beaux Arts de Saint-Étienne et Bruxelles, elle y fonde respectivement la galerie Cuba Libre et La Dent Creuse, projets de production et diffusion de l’art en milieu urbain. Son travail a été présenté en Belgique, en France et en Inde.

La colline est une installation développée à partir de la colline du Mormont, située dans le canton de Vaud en Suisse romande. Site complexe aux multiples strates, il se trouve être au fil de l’histoire un site archéologique celte, un espace naturel protégé, la première zone à défendre du territoire suisse et un lieu d’extraction du groupe Holcim.

En 2006, à l’occasion de travaux d’exploitation d’Holcim dans la carrière de calcaire, émerge le plus grand sanctuaire celtique d’Europe datant du Ier siècle avant notre ère. Les archéologues y découvriront près de 250 fosses, dont certaines profondes de cinq mètres et dans lesquelles étaient disposées des offrandes dans le cadre de rituels énigmatiques. Ces dernières étaient composées d’objets variés, mais aussi d’animaux entiers et de restes humains. Ni habitats ni nécropoles, il s’agirait davantage d’un site sacré initié dans l’urgence et l’espoir d’obtenir l’appui des dieux chtoniens pour traverser une situation de crise, liée au climat ou à l’invasion ennemie.

Par la création d’objets-sculptures et la réalisation d’un moyen métrage de fiction, l’installation de Maud Soudain aborde, au travers du prisme de la Colline du Mormont, les luttes écologiques contemporaines. L’artiste matérialise la porosité et les contradictions des idéologies qui s’expriment dans les différentes occupations du site. Ce projet donne voix aux résurgences de pratiques animistes et questionne les fondements de notre société opposant naturalisme et culture.

Guillaume Robert

Fort l'Ecluse et Château de Voltaire

Né en 1975 à Nantes, Guillaume Robert est diplômé de l’Ecole supérieure d’art de Brest et de l’Université de Rennes I en philosophie. Il vit et travaille à Sergy (01). Ses films et dispositifs vidéographiques inventent des dramaturgies composites aux narrations ouvertes. Le regard s’attache aux gestes, aux pratiques, aux modes d’action, de transformation, de présence et d’attention au paysage. Les occurrences filmiques de ses projets oscillent entre récit documentaire et bascule onirique, entre fable humaniste et réalisme magique. Films après films, une odyssée descriptive du pourtour méditerranéen se dessine. Les corps, les sons, l’histoire, le travail sont mis en scène dans les paysages agricoles ou naturels. Il en résulte des expériences réflexives, poétiques et purement sensitives. En 2019, le Centre international d’art et du paysage l’invite à proposer une exposition pour l’ensemble du bâtiment d’Aldo Rossi ; l’exposition s’intitule Nos yeux vivants.

Pascal Rivet

Fort l'Ecluse

Né en 1966 à Quimper, vit et travaille à Brest. Figure atypique de l’art contemporain français, Pascal Rivet a toujours célébré le dialogue entre art et culture populaire : après s’être immergé dans l’univers du sport, il scrute le monde professionnel et ses icônes automobiles, à la fois urbaines et rurales. Voiture Darty, mobylettes de livreurs de pizza, fourgon Brink’s, moissonneuse-batteuse ou tracteur... Autant de véhicules utilitaires, construits à l’échelle 1 en bois peint aux couleurs des originaux, qui interrogent obstinément le geste de reproduction. À distance, des répliques assez bluffantes, qui saisissent par leur faculté à faire image. De près, une indéniable poésie du bricolage et un savoir-faire empirique qui s’inscrit dans le temps.

Depuis plus de trente ans, Pascal Rivet façonne avec son corps des postures et des gestes de répliques et de simulacres. Il reproduit des éléments de mobilier traditionnel breton en y glissant des motifs du Pop Art américain, il mime de grands sportifs – les footballeurs Éric Cantona ou Fabien Barthez –, il détourne et couvre les exploits d’un cycliste. Il se joue des images qui se jouent de lui à leur tour. Inlassablement poétique, il navigue à vue, observant le monde du sport puis son territoire entre prise de vue, de température et d’empreinte, entre bricolage et sculpture, entre langage écrit et parlé, familier mais extrêmement précis. Renault Express Darty, mobylette Dominos Pizza, tracteurs Massey-Ferguson, New-Holland, fourgon de la Brink’s, maquettes d’ateliers ou de hangars, mots peints, grimages et films composent l’oeuvre d’une vie sculptée en grand et gravée à chaud.

Pour l’exposition Une clameur, l’artiste expose Dominator, une réplique échelle 1:1 d’une moissonneuse-batteuse de la marque Claas, modèle Dominator, icône au nom révélateur des larges champs mono-cultivés intensément. Faite de voliges peintes, cet engin grandeur nature rend compte d’un travail d’atelier de longue haleine, particulièrement méticuleux.

Simon Ripoll-Hurier

Fort l'Ecluse

Simon Ripoll-Hurier est diplômé de l’École des Beaux-Arts de Paris, de Rouen ainsi que d’un Master en arts et politiques à Sciences Po Paris. Entre musique et arts visuels, son travail s’inscrit dans une pratique de l’écoute et de la transmission par la voix. Il est le co-fondateur de *DUUU, une radio en ligne dédiée à la création contemporaine. Son travail a notamment été présenté au Musée des Beaux-Arts de Rouen en 2009, au Centre Pompidou Paris en 2020 et aux Rencontres internationales Paris/Berlin en 2021.

En 2016, l’artiste Simon Ripoll-Hurier lance un appel à participation. Les propriétaires d’animaux « hors du commun (oiseaux, mammifères, reptiles…) » étaient invités à les amener sur un tournage de fortune installé dans le centre d’art du Confort Moderne à Poitiers. Déposés sur une table, les animaux sont filmés et leurs – éventuels – cris enregistrés. Le dispositif mis en place par l’artiste réactive le fameux tournage du logo de la Metro Goldwyn Mayer (MGM) où un cameraman et un preneur de son enregistrent un lion rugissant, intégré par la suite au coeur du logo de la MGM, marquant le début des films. « Ars gratia artis », devise de l’entreprise, apparaît à l’écran autour de l’animal. Ce dicton latin pouvant se traduire par « l’art est la récompense de l’art », sert ici de titre à l’oeuvre de Simon Ripoll-Hurier, qui mesure le décalage entre la nature animale et sa représenta­tion cinématographique et documente de ce fait une mise à distance singulière entre humains et animaux.

Jean-Xavier Renaud

Fort l'Ecluse et Château de Voltaire

Jean-Xavier Renaud est né à Metz en 1977. Il vit et travaille à Hauteville-Lompnes dans l’Ain et enseigne le dessin à la HEAD - Genève. En 2005 il expose au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg. En 2008 son travail est présenté au Kunstmuseum de Bonn. En 2010 il participe à l’exposition “Dynasty” au Musée d’art moderne de la Ville de Paris et au Palais de Tokyo. La même année il est invité à l’exposition “Visions contemporaines” de Marguerite d’Autriche au Monastère royal de Brou. En 2019 il expose à la fondation Salomon et à la galerie Anne Barrault à l’occasion de l’exposition “Topor n’est pas mort”. En 2020 Il installe la toile monumentale « Hauteville-Texas » pour l’exposition “Comme un parfum d’aventure” au Musée d’art contemporain de Lyon. Ses oeuvres sont présentes dans de nombreuses collections privées et publiques en Europe et en Suisse.

Les huiles, aquarelles et peintures numériques de Jean-Xavier Renaud dépeignent les questionnements sociaux et culturels qui préoccupent l’artiste. Il convoque ainsi « l’environnement dans lequel [il] évolue mais aussi les problématiques mondiales relatées par les médias : la sexualité, la misère, la mort, l’écologie, la transcendance, l’économie, l’esclavage moderne… ». Les mots crient, les formes hurlent, les couleurs explosent. À l’aide d’un esprit critique affûté, l’artiste se fait chroniqueur de son quotidien, se moque des réseaux sociaux et des vedettes qui s’y mettent en scène. En l’honneur de l’esprit de satire propre à Voltaire, la série de peintures exposées au château débute avec un grand portrait en pied du Roi Soleil qui semble parler aux visiteurs. S’ensuit une série très animalière, où différentes personnalités se mettent en scène avec des animaux, vraisemblablement tués lors de parties de chasse. Les Agneaux, sont quant à eux tout juste sortis d’une barquette en plastique tandis que deux porcs conduisent une Porsche. Zautrul, enfin, dernier de la série, est un hommage au chien de l’artiste, disparu en 2018.

Delphine Reist

Château de Voltaire

Delphine Reist est née en 1970  à Sion. Elle vit et travaille à Genève. Elle a enseigné à l’ENSBA Lyon de 2006 à 2008 et enseigne actuellement à la HEAD, Haute école d'Art et de Design de Genève. Elle collabore régulièrement avec le plasticien Laurent Faulon et est représentée par la galerie Lang+Pulte.

Delphine Reist a l’habitude d’utiliser des objets et des machines issues de l’industrie dans son travail. Celles-ci sont détournées de leurs usages premiers, acquièrent une forme d’autonomie et bougent, explosent, tournent. Ces outils et objets deviennent sculptures, débordent, s’agitent. Ici il ne s’agit pas d’outils mais de manteaux, de gants, d’écharpes en fourrure véritable que l’artiste récupère pour en extraire des empreintes. Les fourrures sont encrées et passées sous presse selon le principe du monotype. Le papier reçoit l’impression et chaque tirage est unique. Si ce principe d’estampe est inventé au 17e siècle, Delphine Reist le met à jour de manière radicale, utilisant un rouleau compresseur comme presse. L’engin de chantier de 4,5 tonnes écrase les objets et si l’on aurait pu craindre que le poids détruise tout, les impressions ressortent en fait avec un très grand niveau de détails, n’oubliant aucun poil. Entre abstraction picturale et traces de pinceau, cette série évoque l’appropriation de l’animal par l’homme et la représentation du luxe.

Dominique Petitgand

Fort l'Ecluse et Château de Voltaire

Dominique Petitgand est né en 1965 à Laxou. Depuis 1992, il crée des oeuvres sonores, où les voix, les bruits, les atmosphères musicales et les silences construisent, par le biais du montage, des micro-univers où l’ambiguïté subsiste en permanence entre un principe de réalité et une projection dans une fiction possible, hors contexte et atemporelle. Il diffuse ses oeuvres lors d’expositions, sous la forme d’installation sonore dans laquelle le dispositif de diffusion des sons, adapté aussi bien à la particularité des espaces investis qu’au récit lui même, propose une expérience plurielle et ouverte (installations). Il présente également ses pièces sur disques et en livres (éditions), à la radio, en ligne et au cours de séances d’écoute-performances sonores dans des salles de spectacle ou en plein air (diffusions).

L’œuvre fonctionne comme une haie d’honneur accompagnant chaque personne se rendant au fort. Située sur la pente qui mène au pont levis et à la porte d’entrée, l’installation utilise la sonori­sation en place, habituellement utilisée pour des spectacles son et lumière, et joue avec la disproportion qu’engendre le gigantisme du dispositif sonore et l’échelle de proximité des enregistrements diffusés.

Six haut-parleurs et quatre caissons de basse, volumineux et disposés de part et d’autre du chemin, diffusent en boucle une longue suite de séquences parlées et musicales. Les cordes vocales convoquent un collectif de voix, de différents âges et genres, de paroles brèves, retenues puis légèrement développées ; des mini-récits émergent parfois, portés par quelques éléments musicaux. Les voix composent un seuil, un sas, elles nous accueillent, puis nous partons avec elles en sortant du fort.

Uriel Orlow

Fort l'Ecluse

Né en 1973 à Zurich, Uriel Orlow habite à Lisbonne depuis 2007 et y réside depuis. Il privilégie la recherche et le processus dans sa pratique artistique. Chez lui, l’acte créatif émerge souvent en dialogue avec d’autres personnes et d’autres disciplines, puis se déploie sur de longues périodes. Les projets qu’il développe touchent aux traces laissées par le colonialisme, à l’espace du souvenir, à la justice sociale et écologique, aux zones d’ombres de la représentativité et aux plantes comme actrices politiques. Dans ses séries d’oeuvres modulaires qui ont vu le jour ces dernières années, notamment “Theatrum Botanicum” (2015-2018), Uriel Orlow aborde le rôle des plantes comme témoins de l’histoire coloniale de l’Europe et du changement climatique, mais également comme véhicules du souvenir.

Les forêts fossilisées sont une fenêtre sur un lointain passé, nous permettant de savoir à quoi ressemblaient les forêts il y a des millions d’années. C’est également un bon indicateur de la manière dont les arbres se sont adaptés pour survivre dans des conditions environnementales difficiles, notamment des changements de température ou des conditions plus sèches. Elles donnent également des indications sur la manière dont les plantes pourraient réagir aux changements climatiques actuels. De même, l’observation des changements dans la canopée peut être un outil permettant de comprendre les écosystèmes forestiers et de prédire comment ils réagiront aux futurs stress climatiques.

En travaillant sur le film, la photographie, le dessin et la sculpture à partir de modélisations 3D, l’artiste Uriel Orlow relie le passé dans une tentative de prédire le futur. Forest Futurism (que l’on pourrait traduire par imaginer un futur à partir de la forêt) relie le temps paléontologique des fossiles d’arbres à la modélisation forestière du futur pour imaginer des scénarios dépassant le point de vue des humains. Point central de l’installation, le film intitulé Nous avons déjà vécu notre avenir mais nous ne nous en souvenons pas montre des enfants évoluant au fil des saisons dans une relation d’intimité avec la forêt, vivant et apprenant en harmonie avec l’environnement sylvestre.

Lou Masduraud

Château de Voltaire

Née en 1990 à Montpellier, Lou Masduraud habite et travaille à Genève. Elle est diplômée de la HEAD - Genève. Dans son travail, elle analyse, modifie et met en scène les habitudes collectives normatives, de manière à révéler les relations de pouvoir et de désir qui les sous-tendent. Combinant la sculpture et l’installation dans un vocabulaire formel qui emprunte au grotesque comme au poétique, l’artiste crée des mondes fantasmagoriques aux réalités étranges et propose l’expérience de cette transfiguration du quotidien comme une première forme d’émancipation. Depuis quelques années, elle travaille principalement sur trois projets évolutifs: une recherche critique sur les fontaines publiques, un projet évolutif d’anatomie antispéciste contraintes, et une série de soupiraux.

Avec ses oeuvres sculpturales, Lou Masduraud traite des illusions et des analogies de la nature et de la mythologie. Elle sculpte le corps de manière sensuelle, use de fragments, mains, seins, oreilles ou bouches pour former ses oeuvres dont des fontaines. Avec Anxiolitic fountain, l’artiste convoque la question de notre rapport à l’inquiétude et à la dépression. La fontaine diffuse une fumée antidépressive et apaisante dans l’espace d’exposition, vaporisant une infusion à base de millepertuis. Une plante à fleurs de la famille des Hypericaceae aux propriétés thérapeutiques utilisée comme un antidépresseur naturel contre les névralgies, les troubles de l’humeur, l’insomnie et l’anxiété. Convoquant la fonction sociale des fontaines publiques, Lou Masduraud se joue d’un apaisement naturel afin d’exposer un certain mal-être contemporain.

Louise Hervé & Clovis Maillet

Château de Voltaire

Nés en 1981, Louise Hervé & Clovis Maillet travaillent en duo. Ils vivent et travaillent à Paris. En 2001, ils fondent l’International Institute for Important Items (I.I.I.I) pour lequel ils réalisent des performances, des installations et des films de genre où ils mettent en scène des personnages singuliers – un groupe de retraités dont le seul objectif est de prétendre à la vie éternelle (Un Passage d’eau , 2014) – et à la destinée parfois tragique – un jeune homme qui meurt attaqué par un papier peint (Le nouveau mur qui saigne, 2012). Louise Hervé & Clovis Maillet se parent du costume de conférencière, d’universitaire, de scientifique, et transmettent au public un savoir non hiérarchique entre érudition et humour, en jouant sur les possibles induits par la transmission orale.

Spectacles sans objet est une installation multimédia. Elle s’appréhende comme la reconstitution historique d’expériences artistiques et politiques anciennes qui s’apparentent à la performance. Il est rare de considérer cette généalogie de la performance, forme apparemment récente de l’art, éphémère, engageant souvent le corps et se défiant de la production d’objets. Les artistes ont choisi trois moments clés du XVIIe siècle au XlXe, qui ont inventé des formes de vies expérimentales faisant converger le quotidien avec des utopies politiques et artistiques.

Nous y trouvons donc les fêtes-spectacles célébrant les héros et idéaux révolutionnaires organisées par le peintre Jacques Louis David (1748-1825) ; la secte des Méditateurs et des Dormeuses (dite aussi des barbus, des primitifs) ou les mises en scène quotidiennes et indus-trialistes de la communauté progressiste Saint-Simonienne fondée à Ménilmontant en 1830.

L’installation immersive se déploie sous la forme d’une projection à laquelle s’adjoignent différents objets issus du projet ; certains présents dans les images, d’autres produits à l’occasion de l’exposition.

Salômé Guillemin

Fort l'Ecluse

Salômé Guillemin est une designer et artiste française basée à Genève. Au travers d’une pratique pluridisciplinaire, elle crée des installations, des performances de musique noise, des instruments et de la scénographie pour explorer le potentiel créatif qu’ont certains espaces et objets à nous faire repenser la communication et à produire des imaginaires.

Dans la diversité de l’expression humaine, certains instruments sonores dépassent leur rôle conventionnel et deviennent de puissants symboles d’identité collective et de résilience. L’un de ces instruments est le sifflet en terre, un objet humble et percutant qui est historiquement utilisé dans les célébrations et dans les contestations. Au-delà de sa simple facture et de la fonction ludique qu’on lui attribue au premier abord, le sifflet en terre est également un outil d’expression qui fait résonner la conscience individuelle et collective dans les périodes de trouble sociétal. Lorsqu’un groupe est confronté à des difficultés et que la foule se rassemble, les sifflements apparaissent comme une force unificatrice, offrant une réappropriation ou une occupation de l’espace lorsque les mots ne suffisent plus. Les sifflets forment alors un chorus de la défiance, un témoignage de la volonté collective d’endurer et de surmonter l’adversité. Le sifflet, ce si petit objet, devient l’incarnation sonore de la force, un outil de renversement des rapports qui nous questionne sur les usages du pouvoir au travers du son.

Chorus de la défiance se focalise sur la confection de sifflets dans le but de produire des sons avec les éléments naturels de son environnement proche, pour se rassembler, occuper l’espace et se faire entendre. Il est développé avec le moins de moyens technologiques possibles, en privilé­giant la cuisson primitive (sans électricité) et l’argile trouvée sur place lors des résidences à Limoges et Bellegarde-sur-Valserine.

Félicien Goguey

Fort l'Ecluse

Félicien Goguey est un artiste et designer d’interaction qui vit et travaille à Genève. Il crée des installations interactives, des performances, des applications et des objets connectés. Il explore le potentiel créatif des langages de programmation et des nouvelles technologies en privilégiant les outils libres. Il s’intéresse principalement à l’imperceptibilité des réseaux de télécommunication ; plus précisément aux facteurs responsables de leur imperceptibilité et aux phénomènes non visibles pour l’utilisateur, ainsi qu’à leurs conséquences politiques et sociales.

La pièce sonore 25 kV AC réalisée spécifiquement pour l’exposition rend hommage au rôle historique du fort comme point de passage stratégique en s’intéressant à l’activité électromagnétique des trains en contrebas et de leurs passagers.

La composition a été entièrement créée en utilisant des captures sonores de champs électro­magnétiques générés par le système d’électrifica­tion ferroviaire, par les équipements des trains et par les objets techniques utilisés par les voyageurs sur la ligne Genève-Bellegarde. Ainsi, l’activité élec­tromagnétique générée par le réseau ferroviaire et ses usagers est transposée dans le spectre acoustique et devient audible. Elle apparaît telle une réminiscence contemporaine qui entre en résonance avec les murmures du point de passage autrefois inévitable.

25 kV AC explore le potentiel sonore des ondes électromagnétiques qui constituent ici un paysage largement dominé par le 50Hz du système d’électrification ferroviaire mais où une multitude d’événements ponctuels, répétitifs ou cycliques se produisent et créent tout autant de motifs, de textures et de nappes à exploiter.

La diffusion dans la casemate invite à la réflexion sur les liens intemporels qui font écho à notre histoire commune. Elle permet aux visiteurs d’apprécier l’évolution du fort comme sentinelle des frontières géopolitiques et témoigne des récits socio-technologiques à travers une dimension hertzienne habituellement imperceptible.

FAIRE argile

Fort l'Ecluse

FAIRE argile est un collectif de potières et de potiers professionnels basé à Cluny. À l’image des anciens potiers qui avaient une vie collective, FAIRE argile propose de penser des objets qui répondent à nos besoins d’aujourd’hui et surtout de demain. FAIRE argile questionne nos modes de vie : habitat, travail, alimentation, circulation pour créer des alternatives. En 2023, à l’invitation de bermuda et à l’occasion de la 5ème Biennale insulaire des espaces d’art de Genève, FAIRE argile propose des ateliers de fabrication de jarres d’irrigation.

À l’occasion de la Biennale Insulaire des Espaces d’Art de Genève (BIG), qui s’est déroulée en juillet 2023 dans le parc de la Perle du Lac à Genève, les ateliers bermuda ont invité le collectif FAIRE argile à proposer un atelier de fabrication de jarres d’irrigation. Procédé très ancien d’arrosage, ces jarres en argile laissent passer l’eau grâce à la porosité de la matière. Une fois enterrées, elles irriguent régulièrement les arbres et plantes compagnes. Ce type d’arrosage permet aux plantes de moins souffrir des variations du climat.

Ces jarres en argile ont été réalisées collectivement par les membres des ateliers bermuda et par les enfants et adultes participants aux dix jours d’atelier à la BIG sous la supervision de Mariane Frisch, co-fondatrice de FAIRE argile. Le collectif réunit six potières professionnelles revendiquant l’argile comme une MAD : Matière À Défendre. Sous le slogan « moins de plastique, plus de céramique », le groupe oeuvre activement à la défense de l’argile dans un contexte de basculement éco-logique et de surproduction industrielle. Les jarres seront implantées en novembre 2024 sur un terrain agricole adjacent aux ateliers bermuda à Sergy, irriguant à terme le terrain dévolu à l’implantation d’une forêt nourricière.

Max Bondu

Fort l'Ecluse et Château de Voltaire

Artiste, commissaire d’exposition et designer, né en 1985, vit et travaille à Sergy (FR). Après des études en Histoire de l’Art et d’Archéologie à Marne-la-Vallée, il se forme à l’École Supérieure d’Art de Brest. Maxime Bondu pratique l’interprétation. Son travail, centré sur la notion d’information et de potentiel, appréhendé depuis le récit ou projeté dans le futur, est formé d’une multitude d’études de cas qui font signe en tant qu’augures. Une très courte liste de ses travaux comprendrait par exemple :  des androïdes plus humains que l’humain, une fusion perpétuelle en Californie, un parcours macroscopique au musée nippon, des jumeaux artificiels savants s’initiant aux échecs, des phonèmes exhaustifs en écho sur la lune ou l’observation attentive des vibrations au dessus d’un collisionneur de particules. Il a enseigné l'architecture à ALICE, EPFL et co-dirige une plateforme de recherche sur l’étude des nuages.

www.maximebondu.com

Du bas latin gargula signifiant « gosier », la gargouille est un élément architectural qui sert au désengorgement des eaux pluviales s’écoulant des toits. Souvent installés sur des édifices religieux, l’ouvrage sculpté est historiquement la représentation de figures humaines, animales et chimériques. Sa fonction lui attribue l’expression d’une bouche béante, d’une gueule ouverte qui, lorsqu’elle est asséchée, laisse spéculer sur le cri sourd s’en échappant.

Dans la série de sculptures L’appel des goules présentée sur le parvis du château de Voltaire, l’artiste Max Bondu poursuit son travail sur l’interprétation des signes, des augures contemporaines et pointe le lien sémantique entre le latin gula, « gueule » et l’arabe al-ghoûla, signifiant « ogre ». Ce dernier terme donnera son nom au mythe de la goule dans le folklore arabe pré-islamique. Créature du désert ou des cimetières dont le cri appelle les voyageurs pour les dévorer dans Les mille et une nuits, la goule, devient ni homme ni femme ni bête, parfois vampire ou nécrophage dans la littérature fantastique d’Edgar Allan Poe et de Henry Philips Lovecraft. Elle incarne une figure de l’effraie.

Disposées verticalement, les sculptures perdent leur fonction de chéneau pour évoquer l’eau seulement par son absence et permettent l’apparition d’une succession de cris inaudibles mais où seule la tension phonatoire grandissante se fait entendre.

LB plantes

Fort l'Ecluse

Après avoir fait des études en histoire de l’art à Strasbourg puis à la Sorbonne-Paris IV, Léa Bosshard se forme à la gestion de projets culturels à l’Institut d’études européennes et poursuit des études de recherche en danse à l’université Paris 8. Elle se spécialise alors sur les liens entre danse et musée ainsi que sur les poétiques de rétrospectives chorégraphiques. Depuis 2021, revenue s’installer dans le pays d’Arbois (Jura), elle fonde LB plantes. Son activité vise à encourager et faciliter l’usage des préparations à base de plantes sur les fermes et domaines afin de réensemencer la vie des sols et favoriser des cultures saines. Ses productions s’élaborent dans le Jura, de la cueillette au conditionnement

L’installation présentée ici expose les préparations de Léa Bosshard. Ces préparations sont issues essentiellement des cueillettes que Léa réalise dans les alentours d’Arbois dans le Jura. Différents procédés (décoctions, fermentations…) lui permettent de transformer les plantes avec de l’eau de pluie dynamisée en produits applicables à toutes cultures végétales. Les étiquettes, détaillant les plantes et procédés utilisés, ont été réalisées par sa soeur, la graphiste Ariane Bosshard. Elles ont mis en place une identité visuelle minimale, quasi-industrielle afin de désamorcer une imagerie parfois trop « ésotérique » des purins et autres préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP).

L’installation s’appréhende sous le registre du ready-made et résonne avec certaines pièces du pop art (on pensera par exemple à la célèbre Brillo box d’Andy Warhol). Cependant la production artisanale et patiente des préparations de Léa Bosshard renverse ces références souvent liées à une économie industrielle ou effigies du monde capitaliste, en mettant en avant des pratiques nouvelles de soin des plantes par les plantes.